Restauration du Portrait d’un évêque de Bazas
Milieu XVIIIe
Huile sur toile
Dimensions hors cadre : H. 115 cm, L. 96 cm
Acquisition de l’Association des Amis du Musée d’Aquitaine en 2018
Restauratrice Sylvaine Licht, Atelier S-Licht, 33400 Talence
Etat de l’œuvre avant restauration.
L’épaisse toile de lin a souffert de très mauvaises conditions de conservation. La surface est rugueuse, encrassée et la lecture voilée à cause de l’altération du vernis. Un chanci généralisé, plus ou moins marqué selon les zones, lui a fait perdre sa transparence. Le tableau a subi de nombreux repeints. Certains, doublés de nombreuses tâches de moisissures, ont affecté le visage et la tenture mais les plus lisibles apparaissent avec les armoiries rouge vif, maladroitement tracées ainsi que sur le titre d’un livre SCYPRI dont la masse sombre ressort nettement aux UV.
La couche picturale présente des gondolements, des pertes de matière, des usures et trois déchirures dont une partie de la coquille du dossier et le bord inférieur droit où l’humidité a complètement cuit la toile qui part en miettes à la tension.
Deux des déchirures affectant la coquille du fauteuil et la draperie, à droite de l’épaule gauche, ont été consolidées lors d’une restauration précédente.
Avant restauration © C. Bonte
Le châssis est rudimentaire, sans traverse et sans biais à l’intérieur.
Le revers présente deux pièces en papier collées pour colmater grossièrement les déchirures.
Par endroits, la couche d’apprêt rouge brique, typique des toiles religieuses du XVIIIe, a migré par les interstices de la toile à cause de l’humidité.
Etapes de la restauration.
Le rentoilage n’a pas été jugé impératif. La toile a été renforcée par un refixage qui a aussi donné une meilleure adhérence de la couche picturale et a permis la tension sur le châssis par la pose de rampes de toile sur l’extrême pourtour du tableau.
Portrait en cours de nettoyage avec encore un curieux repeint des cils sur la paupière gauche du prélat. Sous la plage de vernis enlevé, apparait le piquetage des moisissures dû à l’humidité © Atelier S-Licht
La surface a été décrassée et dévernie. Le nettoyage a permis de voir apparaître sous le repeint SCYPRI maladroitement tracé à l’huile, les lettres SEMA, presque effacées, du titre original. Toute la bibliothèque, de la draperie au bras de l’évêque, était recouverte d’une sorte d’encaustique de couleur marron foncé. Avait-elle été posée pour patiner et masquer les repeints dont surtout le blason « d’argent au château de gueules, sommé de trois tours crénelées de même » mal peint avec un mélange de cire rougeâtre et de blanc d’Espagne lié à la colle de peau qui est parti très facilement laissant d’anciens masticages et des lacunes, un fond vert et les traces rouges, vestiges du blason d’origine.
Repeint du blason avec la couche de cire © C.Bonte. Blason en cours de nettoyage et découverte, très abimé, de l’état d’origine © Atelier S-Licht
Le dépiquetage au scalpel a permis d’enlever une partie des traces de moisissures qui affectaient plus ou moins profondément la surface et sur lesquelles les solvants ou émulsions de nettoyage n’avaient pas d’action. Par contre, les granulosités sont des dommages irrémédiables dus à l’humidité et ne peuvent être atténuées.
La toile a été déposée du châssis. Les pièces qui consolidaient les déchirures ont été enlevées puis, après le nettoyage du dos et leur remise plan, elles ont été remplacées par des gazes avec un produit réversible d’adhérence à sec, puis des pièces.
Revers de la toile avec les pièces de renfort et le nouveau châssis © Atelier S-Licht
De la même façon, une gaze et une incrustation de toile ont été posées pour combler le manque en bas à droite. Enfin, l’enfoncement du blason, dû au grattage des armes, a été remis dans son plan en même temps que certains gondolements de la toile. Les rampes de tension, dont une plus large sur le bas du tableau, ont été posées pour une meilleure consolidation de sa fragilité avant un premier ‘masticage d’approche’ des manques et la pose sur un nouveau châssis.
Etapes de la restauration de la dentelle de rochet © Atelier S-Licht
Après un premier vernissage léger, le travail de réunification visuelle commence alors par le masticage des déchirures et des manques. Les lacunes de la couche picturale sont alors remplies de mastic (couleur sienne dans les fonds sombres et blanc dans les tons clairs afin de faciliter la retouche) pour retrouver le niveau de la peinture et travaillé dans ses reliefs pour la texture. Puis il reçoit la retouche illusionniste qui redonne à l’œuvre toute sa lisibilité. La première retouche est faite à l’aquarelle pour saturer dans les couleurs adéquates les mastics ; un second vernissage intermédiaire isole cette première retouche rendant plus facile et légère la retouche finale faite avec les couleurs au vernis Restauro Maimeri, réversible comme toutes les opérations de la restauration. Et enfin l’œuvre reçoit sa couche de vernis final.
© Atelier S-Licht
Ce long et minutieux travail a non seulement redonné à ce portrait une grande partie de sa splendeur passée mais a aussi permis de découvrir des indices précieux pour la connaissance de l’histoire du tableau et la recherche de l’identité du modèle.
Sylvaine LICHT et Catherine BONTE